jeudi 1 octobre 2015

Soupir intérieur

Patron qui me dit 36 trucs en même temps à faire et à enregistrer.
Patient : Vous avez l'air de vous dépêcher.
Moi, en souriant (on notera l'effort) : Oui il faut être partout à la fois.
Patient : Oh ben vous savez c'est normal. Toute ma vie je rentrais le soir après 19h et je n'en suis pas mort.
...
 
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Merci mon gars. Mine de rien, elle a fait mal cette remarque. Alors certes, cher monsieur, vous ne pouvez pas être au courant. Mais du haut de vos 59 ans, vous n'avez pas de souci de santé en dehors d'un hypothétique peut-être pas dit du tout syndrome d'apnées du sommeil. Du haut de mes 34 ans, je traîne une SEP qui m'en fait voir depuis 2005.

Donc oui, je me dépêche, faut que je note, j'ai du mal à suivre. Je n'en mourrai pas, en effet. Mais le retour de bâton en rentrant va être violent.

Mais bon, c'est rien après tout...

mardi 1 septembre 2015

C'est con hein...

C'est con d'y penser, je n'y suis pas encore. Mais petit à petit me viennent à l'esprit des "détails" qui n'en sont pas vraiment.

Ce qui va changer quand mon patron sera à la retraite ? Pas grand-chose. Si peu.

Je ne saurai pas ce qu'il va arriver à Monsieur G., si gentil, ainsi qu'à son épouse. Ni à Monsieur M. Ni à d'autres auxquels je me suis attachée même si je m’efforce de ne pas le faire. Cela me ronge quand ils ont des soucis de santé ou de moral. Comme si je faisais partie de leurs proches. Je ne devrais pas me sentir aussi proche, je devrais pouvoir le contrôler. Mais avec certains je n'y arrive pas, mes barrières tombent.

Des barrières qui tombent souvent involontairement au fur et à mesure. Et parfois volontairement aussi face à un patient qui a voulu se suicider car diagnostic de SEP en cours. À qui j'ai dit en face que j'en ai une, de SEP. Parce que c'est vrai. Que je le vis mal MAIS que ça ne veut pas forcément dire qu'on ne peut plus rien faire. La preuve. Il a repris du poil de la bête avant de se mettre à boire 3 ans plus tard quand une de ses jambes ne fonctionnait plus du tout. Est mort parce qu'il a tellement bu d'alcool que son foie a lâché.

Autre détail à l'opposé de cette proximité avec les patients. Je parle d'opposé parce qu'il s'agit d'un détail purement matériel. Là il y a eu du retard pour les salaires car le chef de la compta était absent. Soit... Mon compte étant temporairement bloqué, j'ai pris 20 euros dans la caisse. Comme cela m'est déjà arrivé, en mettant un post-it dedans pour ne pas qu'il s'étonne de l'écart le soir. Je les ai empruntés parce que sinon je ne peux plus mettre d'essence pour venir bosser pour avoir de quoi mettre de l'essence pour venir bosser etc. Il sait très bien que je vais les remettre les 20 euros. Je doute qu'une fois que je bosserai ailleurs je pourrais emprunter 20 euros dans une caisse le temps que le salaire soit sur le compte.

Deux "détails" bien à l'opposé mais qui se font de plus en plus présents puisqu'il arrêtera fin juin 2016. C'est loin mais tellement proche. Je me sens presque comme une petite fille qui se demande comment elle va faire ensuite. C'est con hein...

mardi 25 août 2015

Trop plein

J'arrive de plus en plus à ce que je ressens comme un point de non retour.

Des emmerdes au niveau ambiance collègue de travail et administrés/éleveurs/ce que vous voulez, j'en ai eues. J'ai toujours pu les gérer alors que je n'avais pas l'impression d'y arriver.

Mais là...

Une Nème fois, j'ai eu droit au "on a le temps de mourir".

Est-ce que je "vieuconnardise" déjà à 33 ans ? C'est le terme qu'utilise la femme de mon patron envers lui. Il commence à l'utiliser avec moi.

Il doit avec raison mais cette pression permanente, cette façon d'agir de plus en plus fréquente, même lui commence à craquer.

Est-ce parce que j'ai une pathologie à type d'épée de Damoclès au dessus de ma tête qui me rend intransigeante ? Dans le sens où si vous n'arrivez plus du tout à respirer ce n'est pas la peine d'aller chez le pneumologue, allez aux urgences. Si c'est pour des tests allergologiques oui il le fait puisqu'il est allergologue mais non il n'y a pas d'urgence. Surtout que les patients sous traitement anti-H1 ne comprennent souvent pas pourquoi cela ne sert à rien de faire les tests.

Tout le monde n'est pas ainsi et je le sais. Mais j'ai de plus en plus de difficultés à gérer les patients, leurs humeurs, leurs peines, etc. Parfois j'ai l'impression qu'ils me voient comme un robot capable de tout entendre.

J'entends. Je sais écouter. J'ai même déjà discuté suicide avec des patients qui craquaient à cause de leur problèmes de santé, d'argent et de tristesse liée au décès de l'être aimé avec qui ils ont fêté des noces d'or.

J'écoute et j’emmagasine. Un des patients au téléphone a été surpris que je me souvienne de son prénom. Cela ne me semble pas si difficile, d'autant qu'il s'agit d'un patient qui vient régulièrement en contrôle.

J'aimerais que l'on puisse se poser tranquillement. Qu'on puisse expliquer à certains patients faisant un scandale pourquoi ils ne sont pas prioritaires. Pourquoi certains patients devraient par contre s'alarmer plus tôt. Que cela soit aussi entendu par certains médecins (généralistes et spécialistes) qui parfois s'alarment trop ou pas assez.

Je voudrais... mais cela ne se fera pas. Un an avant sa retraite. Réaction des patients : "Mais vous allez faire quoi puisqu'il n'a pas de repreneur ?". Je serai au chômage. Et franchement, pour la première fois de ma vie, j'ai hâte d'y être.

Faire un travail que l'on n'aime pas est une chose. Cela n'empêche de loin pas de bien le faire. Mais finir rongée par ce travail à m'en pourrir les vacances, je ne le veux plus. L'épée de Damoclès de la Salope Et Pétasse est suffisante, inutile d'en rajouter.

lundi 20 juillet 2015

Chers morts

Juste un petit mot pour vous dire que je ne vous oublie pas.

Ce n'est pas parce que je dis de façon détachée "toutes mes condoléances" à vos proches que vous n'avez pas comptés à mes yeux.

Vous avez été là, patients ou non, sympathiques ou non, mais vous avez été.

Il faut toutefois que les vivants se protègent. Il faut que je me protège. C'est nécessaire pour continuer.

Je vous parais peut-être froide mais ce n'est qu'une façade. Vos morts m'ont affectée. Je dois toutefois rester présente pour les vivants.

mercredi 6 mai 2015

Merde

Il aura fallu 7 ans. 7 ans pour que je balance un "merde !" tonitruant dans le couloir, faisant sursauter les patients et le médecin (exploit).

Ce merde était destiné à un ex patient eu au téléphone et ayant été agressif. Il a insulté mon patron, le matériel, etc. A déformé des termes d'un courrier reçu d'un prestataire (bon courage à un ami qui y travaille justement, l'hôpital l'ayant mis chez eux).

Bref, je passe tous les termes que j'ai entendus. Et tout ce qu'il a dit qui n'est pas vrai. Mais attention, il m'a signalé être resté poli après avoir dit que mon patron est un "connard" (faux) et que le matériel c'est "de la merde et obsolète" (re-faux). Ce mec a été agressé physiquement il y a 20 ans mais ce n'est pas une raison pour tout déformer comme il a fait.

J'ai réussi par je ne sais quel miracle à rester calme. J'ai rétabli les différentes vérités et expliqué comment designer un autre médecin. D'autant que c'est l'hôpital qui a désigné, pas nous.

Bref, l'appel de merde du type complètement instable et agressif. Heureusement qu'il ne peut pas se déplacer facilement car c'est le profil type qui dérape très rapidement. Putain de boulot.

Le prestataire et sa médecin traitant ont été mis au courant. Surtout qu'on est "tous des connards". Sa médecin l'a déjà vu partir en vrille et est impuissante.

Néanmoins, l'agression au boulot, cela suffit. Même verbale. J'ai fini par lui répéter pour la cinquième fois comment faire la désignation du médecin par lequel il veut être suivi, lui souhaiter une bonne journée, lui dire au-revoir et raccrocher. Pendant qu'il continuait à proférer des injures.

mardi 28 avril 2015

Vaccination

Je ne suis pas adepte des vaccins à tour de bras façon "big pharma is paying you". Loin de là. Mais quand on sait que le frère d'un patient est décédé à l'âge de 30 ans d'une tuberculose il y a une trentaine d'années, cela fait réfléchir.

Cet homme est décédé aux environs de ma naissance. D'une maladie que je vois au cabinet comme tellement bénigne car peut être soignée à la maison par de simples comprimés (à prendre certes pendant plusieurs mois). Et sans être mis en quarantaine, sauf pour les tuberculoses contagieuses "dans l'air" disons. Et à cette époque il y avait déjà des traitements de ce type.

Maladie non décelée ? Vaccination non faite ? Évolution défavorable très rapide ? On n'en sait rien. Le frère ne sait pas donc comment le savoir ? En tout cas, la vaccination vis-à-vis de la tuberculose a aidé. Et elle aide encore.

Restons ouverts. Du moins essayons au maximum.

lundi 13 avril 2015

Mini lettre ouverte

Chers patients,

Suite à des remarques peu sympathiques depuis ce matin sur les délais de rendez-vous et le fait de ne pas prendre en urgence des non-urgences, je vous prie instamment de vous calmer.

PARCE QUE LÀ, CA ME TITILLE GRAVE DE VOUS RÉPONDRE QUE OUI, VOUS ALLEZ MOURIR D'ICI LÀ !

Or, suite à cette phrase, vous seriez encore moins aimables. Et cela serait justifié. Restons courtois.

Cordialement,

La secrétaire

lundi 2 février 2015

Wow...

Patron : Euh attends... Je me pose juste la question, tu es là depuis combien de temps ?
Moi : J'ai commencé le 2 janvier 2008 ici.
Patron : Ça fait aussi longtemps ?!
Moi : ... euh... wow oui en effet !
Patron : On entame notre septième année ensemble quand-même.

Je suis contente d'avoir du boulot mais... ce que je n'aime pas ce que je fais. Je crois que je n'avais pas envie de compter le nombre d'années passées à faire un travail qui me déplaît. Bon, voyons le bon côté des choses : en juin 2016 c'est sûr il s'arrête.

Repreneur ou pas du cabinet, changement de contrat donc je pars et je "profiterai" des aides en cherchant un nouveau boulot. Il est au courant. Je ne ferai pas ça toute ma vie. L'empathie tue à petit feu. Pas qu'elle mais en grande partie.