lundi 4 janvier 2016

J'ai parlé

Je ne sais pas si ce que j'ai fait est une bonne chose. Enfin si, au fond de moi je suis convaincue que c'est le cas. Mais il y a toujours un doute.

Il m'est arrivé de lâcher à de rares patients que j'ai une sclérose en plaques. Pourquoi ? Parce qu'il s'agissait de patient ayant des problèmes neurologiques similaires, voire justement une SEP. Et qui étaient désemparés.

Il m'a semblé que cela leur a fait du bien d'en parler. De parler de leurs inquiétudes, de me poser des questions. Et j'avoue que lorsque j'ai eu ce rapport avec un patient âgé ayant une SEP de longue date et à qui j'ai demandé si je pouvais lui en parler, en ayant moi-même une, cela m'a fait du bien aussi. Du bien de voir qu'on ne finit pas forcément comme un légume. De voir que les autres ont peur aussi. De voir que d'autres refusent toujours d'accepter la maladie. De voir qu'on n'est pas seuls.

M'étant mise à Twitter l'année dernière (véridique), je me suis mise à suivre des médecins dont je lisais déjà les blog. Et je suis tombée sur un retweet d'un message de Margot (alias @Hermine_sed, qui a un blog et qui fait des vidéos que j'adore). Elle cherchait des personnes ayant des maladies chroniques et qui seraient prêtes à en parler pour faire une grosse vidéo sur laquelle elle prévoyait de "passer de nombreuses heures à se taper la tête contre son écran".

J'ai réfléchi. Je me suis dit qu'envoyer un mail pour avoir plus d'informations ne m’engageait à rien. Puis j'ai encore réfléchi. Et j'ai fait une vidéo de près de 54 minutes. Je n'avais encore JAMAIS autant parlé de la SEP. Du début à la fin. J'ai voulu la refaire car j'étais hors sujet pour certaines choses mais je n'en ai pas eu la force. Je n'avais pas réalisé à quel point cela avait été éprouvant d'en parler, même si c'était seule face à une caméra.

Je parlais déjà peu de la maladie mais ça a été encore moins le cas ensuite. Puis un patient a téléphoné, n'a plus pu se lever un matin. Cela a ravivé ce qu'il s'est passé début 2005 pour moi. "Suspicion de SEP" m'a-t-il dit. Et on sentait dans sa voix qu'il avait peur. Du coup j'ai lâché l'information : "je comprends, j'ai une SEP aussi et la première poussée s'est passée de la même façon".

Nous en avons discuté quand il a pu revenir au cabinet pour son suivi. Il m'a posé plein de questions. Ancien rugbyman, il n'a aucune envie de la laisser faire. Suite à une importante blessure aux cervicales (opération nécessaire), il ne pouvait plus jouer au rugby, sa passion. Mais il est battant, il veut continuer à marcher avec ses filles. Même avec sa canne, il s'en fiche, il veut.

Le fait d'avoir simplement discuté, sans cacher ses peurs ni rien, cela les a aidé. Et je trouve que ce n'est pas assez le cas. J'aurais aimé qu'on en discute de la même façon avec moi au début plutôt que de rester sur un discours purement optimiste. Surtout sachant qu'une soeur de ma mère en est morte.

Cela me fait applaudir le travail de Margot justement. La vidéo qui m'a le plus "émue" dernièrement on va dire est celle-ci : Tu as le droit d'aller mal

Si tu passes ici par hasard (le blog n'étant pas connu il y a peu de chance mais on ne sait jamais) et que tu as une maladie chronique, ou que tu connais quelqu'un qui a une maladie chronique, n'hésite pas à lui montrer ces vidéos. Elles font du bien.

Et pour résumer ce que j'essaie de dire : écoutez les gens. Ne dites pas juste ce qu'il faut faire ou pas, comment ils devraient réagir, etc. Écoutez-les et réagissez en fonction de leurs besoins.